"Au nom du Gouvernement
et du Peuple éthiopiens, ainsi qu'en notre nom personnel, nous souhaitons
la bienvenue aux Chefs d'Etats et de Gouvernements des Etats indépendants
d'Afrique, qui se trouvent assemblés aujourd'hui en cette réunion solennelle
dans la capitale éthiopienne.
"L'Afrique se trouve aujourd'hui à mi-chemin, en transition de l'Afrique
d'hier à l'Afrique de demain.
Le monde n'a pas été fait par morceaux.
L'Afrique n'a pas été créée ni plus tôt, ni plus tard qu'aucune autre
région géographique de ce globe.
Les Africains possèdent tous les attributs humains, ni plus ni moins
que les autres hommes.
Ils en ont les talents, les vertus, aussi bien que les défauts.
Il y a quelques milliers d'années, des civilisations prospères ont existé
sur ce continent. Celles-ci n'étaient en rien inférieures à celles qui
existaient alors dans d'autres continents.
Les Africains étaient politiquement libres et économiquement indépendants.
Ils avaient leur propre structure sociale, et leurs cultures étaient
véritablement autochtones.
La période coloniale culmina par la mise en chaîne et l'asservissement
de notre continent. Nos peuples, autrefois fiers et libres, furent réduits
en en esclavage et humiliés.
Aujourd'hui, l'Afrique est sortie de cette sombre période. Elle vient
de renaître comme un continent libre, et les Africains comme des hommes
libres. Le sang qui a été versé et les souffrances éprouvées sont les
meilleurs gages de notre liberté et de notre unité.
Quel que soit le lieu de notre rencontre, c'est avec respect que nous
nous souviendrons de tous ces Africains qui refusèrent d'accepter le
jugement passé contre eux par les colonialistes et les impérialistes,
de tous ceux qui eurent espoir, sans faiblir, dans les moments les plus
sombres, en une Afrique libérée de toute servitude politique, économique
et spirituelle. Beaucoup d'entre eux n'ont jamais mis les pieds sur
ce continent. D'autres, au contraire, y sont nés et y sont morts.
Nous sommes réunis ici pour jeter les bases de l'Unité Africaine.
Nous devons par conséquent, ici même et aujourd'hui, nous mettre d'accord
sur l'instrument de base qui constituera le fondement du développement
futur de ce continent dans la paix, dans l'harmonie et dans l'unité.
(…)
Cette conférence ne peut se terminer sans l'adoption d'une Charte africaine
unique.
Si nous nous laissons guider par le souci d'un intérêt étroit et par
une vaine ambition, si nous échangeons nos croyances pour des avantages
à court terme, qui prêtera foi à nos paroles, qui croira à notre désintéressement
?
Nous devons faire connaître nos opinions, sur les grands problèmes qui
préoccupent le monde, avec courage et avec sincérité, en disant ce qui
est. (…) Nos actes et nos attitudes ne doivent pas être mis en doute.
Soyons conformes à nos croyances afin que celles-ci nous servent et
nous honorent. (…)
Nous nous engageons particulièrement à l'élimination totale de la discrimination
raciale de notre continent. (…)
La discrimination raciale est la négation même de l'égalité psychologique
et spirituelle que nous avons lutté pour obtenir. Elle est aussi un
déni de la personnalité et de la dignité d'Africain que nous avons établies
par nos luttes.
Le souvenir des injustices passées ne devrait pas nous faire perdre
de vue les problèmes urgents qui se posent à nous.
Nous devons vivre en paix avec nos anciens colonisateurs.
Soyons exempts de récrimination et d'amertume.
Renonçons à la futilité de la vengeance et des représailles.
Débarrassons-nous de tout sentiment de haine qui ne peut que miner nos
âmes et empoisonner nos cœurs.
Agissons comme il sied à la dignité, que nous réclamons pour nous-mêmes
en tant qu'Africains, fiers de nos qualités propres, de nos distinctions
et de nos capacités.
Nous savons qu'il y a des différences entre nous. Les Africains possèdent
des cultures différentes, des valeurs propres, des attributs particuliers.
Mais nous savons aussi, et nous avons là des exemples, que l'unité peut
être réalisée entre hommes d'origines les plus diverses, que les différences
de race, de religion, de culture, de tradition, ne constituent pas des
obstacles insurmontables pour l'union des peuples.
L'histoire nous apprend que l'unité fait la force et nous convie à mettre
de côté nos différences, à les surmonter, dans la recherche d'objectifs
communs, à lutter avec nos forces unies, dans la voie de la véritable
fraternité et unité africaines.
Ce dont nous avons
besoin, c'est d'une seule organisation africaine, par laquelle l'Afrique
puisse faire entendre une seule voix.
Nous formulons
le vœu que nous ayons la sagesse, le jugement et l'inspiration nécessaires
pour garder la confiance de nos peuples et de nos pays qui ont placé
leur sort entre nos mains."
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