"Tant que la philosophie qui considère qu'une race
est supérieure et une autre inférieure ne sera pas finalement et en
permanence discréditée et abandonnée;
- tant qu'il y aura des citoyens de première et de seconde
classe dans une nation;
- tant que la couleur de la peau d'un homme aura plus de signification
que celle de ses yeux;
- tant que les droits de l'homme de base ne seront pas garantis également
pour chacun, sans distinction de race;
- tant que ce jour ne sera pas arrivé, le rêve d'une paix durable, d'une
citoyenneté mondiale et le règne de la moralité internationale ne resteront
que des illusions fugitives, poursuivies mais jamais atteintes.
Et tant que les régimes mal inspirés et ignobles qui
détiennent nos frères en Angola, au Mozambique et en Afrique du Sud
dans des chaînes inhumaines ne seront pas renversés et détruits;
- tant que la bigoterie, les préjugés et les intérêts personnels n'auront
pas été remplacés par la compréhension, la tolérance et la bonne volonté,
- tant que tous les Africains ne seront pas debout, et qu'ils ne parleront
pas en tant qu'êtres libres, égaux aux yeux de tous les hommes comme
ils le sont aux yeux du ciel,
- tant que ce jour ne sera pas arrivé, le continent africain ne connaîtra
pas la paix.
Nous les Africains nous battrons, si c'est nécessaire, et nous savons
que nous vaincrons, car nous avons confiance en la victoire du bien
sur le mal.
La base de la discrimination raciale et du colonialisme
a toujours été économique, et c'est avec des armes économiques que nous
avons déjà surmonté certains de ces maux et que nous en viendrons à
bout.
A la suite de résolutions adoptées à la conférence au sommet d'Addis
Abeba, les états africains ont pris plusieurs mesures économiques qui,
si elles étaient adoptées par tous les états membres des Nations unies,
changeraient rapidement l'intransigeance en raison.
Je demande aujourd'hui que chaque nation représentée
qui soit véritablement dévouée aux principes énoncés dans la charte
adhère à ces mesures.
Nous devons agir tant qu'il en est temps, tant que se présente l'occasion
d'exercer ces pressions légitimes, de crainte que le temps ne s'épuise
et ne nous pousse à recourir à des procédés moins heureux.
En ces temps modernes, les grandes nations de ce monde feraient bien
de se rappeler que même leur propre sort n'est pas entièrement entre
leurs mains.
La paix réclame les efforts unis de chacun de nous. Qui peut prédire
quelle étincelle pourrait mettre le feu aux poudres ?
Pour chacun d'entre nous, l'enjeu est le même : la vie ou la mort.
Nous souhaitons tous vivre.
Nous cherchons tous un monde où les hommes seraient libérés des fardeaux
de l'ignorance, de la pauvreté, de la faim et de la maladie.
Et, si la catastrophe devait survenir, nous serions
tous pressés d'échapper à une pluie nucléaire mortelle.
Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui sont tous
à parts égales sans précédent
.
Ils n'ont pas de contrepartie dans l'expérience humaine.
Les hommes cherchent des précédents et des solutions dans les pages
de l'histoire, mais il n'y en a aucun.
Ceci est donc le défi suprême. Où allons-nous chercher notre survie,
les réponses à des questions qui n'ont encore jamais été posées ?
Nous devons tout d'abord, nous tourner vers le Dieu
Tout-puissant Qui a élevé l'homme au-dessus des animaux et l'a doté
d'intelligence et de raison.
Nous devons avoir foi en Lui, qu'Il ne nous abandonne pas ou qu'Il nous
permette de détruire l'humanité qu'Il a créée à son image.
Et nous devons regarder en nous-mêmes, jusque dans les profondeurs de
nos âmes.
Nous devons devenir ce que nous n'avons jamais été, ce à quoi notre
éducation, notre expérience et notre environnement nous a très mal préparé.
Nous devons être plus grands que ce que nous avons été : plus courageux,
à l'esprit plus large, au point de vue plus ouvert.
Nous devons devenir les membres d'une nouvelle race, dépasser nos
préjugés insignifiants et nous soumettre à la fidélité ultime que nous
devons non pas aux nations, mais à nos semblables les hommes au sein
de la communauté humaine."
Discours de sa Majesté l'Empereur Haïlé Sélassié I
King of Kings Conquering Lion of Judah
A l'assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies
New York City, le 4 octobre 1963.
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